Rerenga: une rivière qui s’écoule
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Qui êtes-vous ? Pourquoi le nom "Rerenga" ?
Je m'appelle Nathan Ratapu, un caviste queer et indigène de Gisborne en Nouvelle Zélande. Je suis le fils de deux tribus: Rongawhakaata et Te-Aitanga-a-Mähaki; je suis le descendant de deux lignés de femmes puissantes et sages. J’ai grandi comme “Mäori,” la culture indigène de Nouvelle Zélande. Dans la langue Mäori, le mot “rerenga” a plusieurs définitions qui concerne la notion de flux et de courant. Te Rerenga Wairua, le cap le plus nord de mon pays, est l’endroit pour le bond des âmes, l’escalier invisible entre le monde physique et le monde éphémère. Rerenga, comme le mot “terroir,” décrit un endroit et un espace temporel : il concerne les personnes, les sols, les cultures, la flore et la faune, le présent, le passé, et le futur. À mon avis, le vin naturel n’est pas une destination, mais un voyage continu, une rivière qui s’écoule, éternellement, depuis et vers la mer, toujours avec des nouvelles idées, des nouvelles communautés, et des nouveaux défis pour le système. Rerenga Wines est une cave pour une révolution en cours. Elle est un hommage à mes ancêtres, qui croyaient qu'il n'y a aucune limite au pouvoir d'une histoire.
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Quel est votre concept ?
Rerenga Wines est une cave à vin et librairie militante, focalisée principalement sur la vente à emporter de vin naturel. Rerenga offre un espace pour enseigner et faire découvrir les rapports entre la viticulture, les vigneron(ne)s, et les questions éthiques, sociales, environnementales liées à l’alimentation. La cave présente une sélection réduite mais choisie avec soin, précision et attention. Pour chaque domaine (avec des exceptions très rares), la cave prend plusieurs cuvées, afin d’offrir une image complète de leurs terroirs, leurs philosophies et leur vision. Je rends visite à chaque domaine au minimum deux fois par an ; je vous présente des photos, des notes sur les millésimes et les pratiques des vigneron(ne)s (viticulture/travail/vinification/etc), et des notes de dégustation pour chaque cuvée. Je voudrais que ma clientèle puisse se reconnaître dans le travail de ces vignerons et vigneronnes, qu’elle puisse les voir comme des amis et des compagnons dans la croisade contre l’industrialisation. La littérature sur des sujets “révolutionnaires” du vin naturel, des philosophies anti-raciste/anti-sexiste/anti-homophobie, l’histoire de l’exploitation agricole, etc. sont disponibles pour la vente et la lecture sur place. A l’occasion, la cave sera un espace pour des lectures publiques par des auteurs, des réunions politiques, et des petits “salons” avec des vigneron(ne)s. Rerenga Wines est une cave pour le partage d’idées.
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Qui sont les vigneron(ne)s de votre cave ?
Artistes, ex-danseuses, utopistes, étudiants, anti-capitalistes, comédiennes, garagistes, militantes féministes, écologistes, bonnes amies, queer/trans*/non-binaire, indigène, pro-réparation... Je reconnais qu'il y a du travail, difficile et long, avant qu'on ait la vraie équité dans tout les niveaux du vin naturel. Je voudrais que les bouteilles sur mes étagères represent la diversité de ma clientèle, mais une representation qui est aussi diverse, c'est pas encore possible. Je veux donc me consacrer à trouver les vigneron(ne)s qui cultivent des environments pour l'enseignement et la réussite d'une population des oenophiles anciennement exclue et oubliée, (mais certainement exploitée historiquement par l'industrie du vin.) La librairie de Rerenga Wines existe à côte de cette selection de vigneron(ne)s pour un équilibre plus approfondi; les écrivaines comme Maboula Soumaharo, Rokhaya Diallo, Amadine Gay, Patricia Hill Collins nous offrent des critiques fortes et nécessaires sur les systèmes qui forment et ont formé notre société, et par extension, nos traditions culinaires, artistiques, et oenologiques.
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Qui est-elle, la communauté de Rerenga Wines ?
Rerenga Wines est une cave pour tout le monde. et pas juste une clientèle déjà branchée vin naturel ou avec les moyens d’acheter du vin cher. Bien sûr, les prix de supermarché sont simplement impossibles à pratiquer pour un vin fait de manière respectueuse pour l'environnement, les travailleurs, et l’art de la vinification. Cependant, dans une grande portion des caves et restaurants à Paris, la porte d’entrée pour le vin naturel reste fermée pour les personnes qui ne peuvent dépenser plus de 15€ par jour pour une bouteille. En outre, le vocabulaire oenologique pour la majorité des Parisiens et des visiteurs est souvent limité. Le monde du vin naturel, où les appellations ou les cépages sont souvent absents des étiquettes, est difficile à appréhender. Rerenga Wines présente donc au minimum 50% des étiquettes à un prix de moins de 20€, et toujours avec une sélection palpitante d’étiquettes à moins de 15€. Au-delà de ces problèmes d'“accès” au vin, se posent des questions de représentation et de sécurité personnelle. Je vois le vin naturel comme un défi, une complexification des attentes et des présuppositions liées au vin, un dialogue entre la culture, l’histoire et l’innovation. Je veux que ma clientèle puisse se reconnaître sur les étagères en présentant des vins de vignerons et vigneronnes aux parcours les plus divers possibles. Rerenga Wines voudrait encourager un monde oenologique reflétant la diversité croissante des consommateurs.